Jurisprudence en droit de l’urbanisme

Précisions sur les délais de recours contre un permis de construire

Dans une décision du 20 avril 2023, le Conseil d’Etat (CE) revient sur les règles applicables aux délais de recours contre un permis de construire (CE, 20 avril 2023, 464606).

Rappelons en premier lieu que le délai de recours à l’encontre d’un permis de construire est de deux mois à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l’article R. 424-15 du code de l’urbanisme (CU), en application de l’article R. 600-2 du CU.

Si l’affichage du permis n’a pas été fait conformément aux dispositions de l’article R. 424-15 du CU, notamment en ce qu’il n’a pas mentionné le délai de recours contentieux de deux mois, le recours peut être introduit dans un délai raisonnable à compter du premier jour de l’affichage continu de deux mois sur le terrain. La règle générale veut que le délai raisonnable, sauf circonstance particulière, ne saurait excéder une année.

Toutefois, lorsque le requérant se situe dans le cas particulier d’un affichage non conforme, mais que l’achèvement de la construction ou de l’aménagement a eu lieu depuis plus de six mois (hypothèse de l’article R. 600-3 du CU), le recours n’est plus recevable. Autrement dit, la règle figurant à l’article R. 600-3 du code de l’urbanisme prévaut sur la règle générale du délai raisonnable d’une année.

Enfin, et c’est le cas de la décision commentée, lorsque le permis de construire a été délivré, que l’affichage n’a pas eu lieu, et que les requérants ont été reçus en mairie pour évoquer des irrégularités de ce dernier, est-il possible de leur opposer la théorie de la connaissance acquise ? à savoir que le délai de 2 mois commencerait à courir à compter du premier jour après leur réception en mairie ?

Dans sa décision du 20 avril 2023 précitée, le Conseil d’Etat répond par la négative en affirmant « qu’en l’absence de tout affichage, seul l’exercice par un tiers d’un recours administratif ou contentieux contre le permis de construire litigieux, révélant qu’il a connaissance de cette décision, peut être de nature à faire courir à son égard le délai de recours contentieux » (Considérant 4).

Attention au délai d’introduction de la requête en référé suspension depuis la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018

Par une décision du 14 avril 2023 classée B, le Conseil d’Etat considère que l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme tel qu’en vigueur depuis la loi du 23 novembre 2018, ne porte pas atteinte au droit au recours effectif garanti par l’article 16 de la DDHC, ni au droit de propriété résultant de l’article 2 du même texte.

Le Conseil d’Etat considère que la question prioritaire de constitutionnalité n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux et n’a donc pas à être renvoyée au Conseil constitutionnel.

Rappelons que l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme impose désormais au requérant d’introduire un référé suspension dans le délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés dans le cadre du recours au fond dirigé contre l’autorisation d’urbanisme, sous peine d’irrecevabilité du recours.

Précisons que la cristallisation des moyens intervient à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense produit à l’instance par un quelconque défendeur en vertu de l’article R. 600-5 du code de l’urbanisme.

L’arrêt CE, 14 avril 2023, n°460040 fait application des règles précitées et considère la requête irrecevable sur le fondement de l’article L. 600-3 du CU.

Précision sur l’obligation de notification des recours : l’arrêt CE, 12 avril 2023, Cystaim

Sous peine d’irrecevabilité, la notification prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme doit être effectuée par le requérant qui interjette appel ou se pourvoit en cassation contre une décision juridictionnelle qui constate l’absence de caducité d’un permis de construire, et annule pour ce motif une décision constatant cette caducité.

Le moyen doit être soulevé d’office par le juge administratif.

(CE, 12 avril 2023, Cystaim, 456141, classé B).

La règle de la cristallisation s’applique à tous les moyens soulevés dans le cadre d’un recours contre un permis valant autorisation d’exploitation commerciale

En application de la règle de la cristallisation des moyens régie par l’article R. 600-5 du code de l’urbanisme, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense.

La règle est drastique puisqu’elle limite les arguments susceptibles d’être invoqués par les parties, après le délai de deux mois à compter de la communication du premier mémoire en défense.

Les modalités d’application de cette règle étaient à préciser, notamment lorsque l’autorisation d’urbanisme vaut autorisation au titre d’une législation tierce (une autorisation est délivrée au titre de deux législations).

Par un arrêt du 4 avril 2023, classé A, le Conseil d’Etat considère que cette règle applicable en droit de l’urbanisme s’applique également dans l’hypothèse dans laquelle le permis de construire vaut autorisation d’exploitation commerciale.

Il faut en déduire qu’il est impératif de soulever l’ensemble des moyens – se rapportant au droit de l’urbanisme ou à toute autre législation – dans le délai de cristallisation de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense (CE, 4 avril 2023, n° 460754).

Succession de plusieurs déclarations d’intention d’aliéner et ses effets

Dans un arrêt classé B du 1er mars 2023, le Conseil d’Etat rappelle au visa notamment de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme que le titulaire du droit de préemption sur un bien ne saurait légalement l’exercer si la déclaration d’intention de l’aliéner (DIA) a été faite par une personne qui, à la date de cette déclaration, n’était pas propriétaire du bien.

Le Conseil d’Etat précise en outre que la réception d’une seconde DIA portant sur un même bien, et aux mêmes conditions qu’une précédente DIA pour laquelle la personne aurait renoncé à exercer son droit de préemption, ouvre par principe un nouveau délai de deux mois à cette même personne (CE, 1er mars 2023, 462877).

AB.

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